36 ème et dernières splendeurs natur’ailes : singulière rencontre
36 ème et dernières splendeurs natur’ailes (pour ceux qui ont demandé un rappel… cf n°35)
Singulière rencontre.
Juin tire à sa fin. La famille Upupa déserte peu à peu le jardin magique.
Comme un drogué en manque de « splendeurs natur’ailes » taraudé par la passion, je ne parviens pas à me résoudre à remiser mon appareil photo.
Je vous ai déjà parlé de cette vieille lône du Rhône, de ce petit bout de nature où l’eau et le végétal ont passé un contrat pour créer une réplique miniature de l’arche de Noé et où j’aime me rendre en quasi pèlerinage chaque année, pour y rencontrer l’oiseau bleu.
Et puis, il y a cet arbre éclairé par les premiers rayons de soleil : un mûrier qui magnétise par ses petits fruits juteux tout un petit peuple d’emplumés.
J’espère y rencontrer cet oiseau furtif qui vit caché dans les feuillages : le Loriot d’Europe, ce « merle d’or » des romans de Pagnol…
Les cigales tintinnabulent, les arbres ondulent dans les brumes de chaleur.
Nous entrons dans le cœur de l’été méditerranéen.
Après plusieurs heures d’affût infructueuses, je décide d’abandonner à regret ma « quête du Graal ».
C’est sans compter sur un coup du sort qui se présente sous la forme d’un personnage inattendu qui m’interpelle au moment du départ pour me dire tout de go : » Monsieur, si c’est le loriot que vous cherchez, moi je sais où est son nid ! »
Je venais de découvrir avec stupeur, qu’à mon tour, c’est moi qui devais être observé… et probablement depuis longtemps !
Mon envie de le suivre n’étant pas très « mure », j’accepte, circonspect, de l’accompagner « mi-figue, mi-raisin » jusque sous sa minuscule cache emménagée sous un roncier épais à quelques pas de mon mûrier.
C’est de là qu’il pointe son doigt vers une trouée dans les frondaisons d’un peuplier blanc gigantesque, vers une petite bourse faite d’écorces et de fibres végétales tressées, à l’extrémité d’une branche fine, sévèrement ballottée par le mistral. Une queue jaune déborde du nid…
A cet instant précis un vieux rêve venait de se réaliser.
Me sentant un peu honteux après avoir imaginé le pire en le suivant vers sa cache, je bafouille quelques remerciements appuyés en direction de ce surprenant « Monsieur Providence ».
On sympathise et on se donne rendez-vous pour les matins suivants qui vont aller de surprises en surprises… et pas « qu’ornithologiques ».
Comme ce jour où il m’annonce qu’il venait de passer par la gendarmerie pour y signaler ma présence… pour qu’on ne me prenne pas pour un voyeur !
Je voyais déjà la une du journal local titrant : « Le sympathique papy photographe, certaines nuits de pleine lune, se transformait, en arrivant à la lône, en vieux vicelard lubrique… » Oh fatche de … !
J’ai mieux compris sa surprenante démarche lorsque ce groupe de mamies est venu faire sa séance de gym, à l’heure du laitier, juste sous notre nez.
La cache étant en creux, nous avions, à hauteur des yeux, leurs popotins qui se trémoussaient en cadence sous le rythme endiablé imprimé par la coach .
Il est sorti comme un diable de sa boite pour leur demander -poliment- d’aller sculpter leur corps de sylphides un peu plus loin.
« Tu vois, il sylphide demander » me dira-t-il…
Bref, le reste de l’histoire de cette saison définitivement pas comme les autres est résumé par les clichés que je vous propose pour ce petit bonus à nos récits illustrés que certains m’ont réclamé :
Comme par exemple la couleur très jaune « masculine » de la femelle, la beauté éclaboussante du mâle ou encore l’énergie et l’attention portées à leurs trois oisillons qu’ils mèneront à l’envol avec succès…
Au moment où j’écris ce dernier récit nous sommes au mois d’août et ces splendides voyageurs sont peut-être déjà quelque part dans une île grecque en train de faire étape avant de poursuivre leur route aérienne vers l’Afrique Australe.
Il aura donc suffit d’à peine plus de trois mois à ces oiseaux pour venir dans notre vielle Europe y perpétuer leur espèce.
Les feuillages ne résonnaient plus des appels flûtés du Merle d’or, pourtant j’ai traîné encore un temps dans cet endroit béni d’Alcyon, le dieu oiseau, espérant encore ressentir ce petit bonheur de l’enfant qui découvre le monde.
Un gros oiseau bleu turquoise et outremer m’a invité à le suivre du regard jusqu’à disparaître dans les entrailles d’un autre vénérable peuplier blanc.
C’est lui, vous l’avez reconnu, c’est l’oiseau bleu, le héros de mes récits, qui me fera « entrer et rester en solitude » encore un peu sous ma tente-affût.
Et mon pouls s’est encore accéléré à chaque aller-retour vers ce puits duquel peu après a jailli la vie, au bord de ces eaux dormantes oubliées par le Rhône.
Nous étions le matin du 14 juillet.
En guise de bouquet final à cette saison définitivement unique en rencontres animalières (et humaines ! ), mon « complice partageur », qui comme moi avait toujours les yeux vers les nuages, m’annonce qu’il venait de découvrir une autre « Splendeur Natur’aile »,et pas des moindres…
Mais ça, ce sera (peut-être) pour une autre histoire !
Texte et photos : Hervé Bertozzi
Suite et fin de la naissance à l’envol, de cette extraordinaire immersion au sein d’une famille doré…
Non loin de là, l’Oiseau bleu chasse les cigales est va me conduire jusqu’à son nid.