Sauvetage d’un poussin d’Outarde

Une histoire qui finit bien :  l’opération sauvetage d’un poussin d’Outarde canepetière.

L’anecdote qui va suivre lève un peu le voile sur un aspect Couple d'outardes - Photo : F.Jcomportemental de l’outarde canepetière et peut expliquer, entre autres, les raisons de certaines hécatombes lors des périodes de fauche sur les nichées.

« Le jour du 14 juillet 2009, je reste dans mon lit douillet
La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas pom! pom!

Je ne fait pourtant de tord à personne en n’écoutant pas le clairon qui sonne…… »
Ces quelques vers empruntés à tonton GEORGES me trottaient dans la tête en regardant les défilés à la télé ce matin du 14 juillet sauf que ce n’était pas le clairon qui sonna mais le téléphone!

« Allo Hervé! J’ai une « canepetière » et son poussin plantés devant moi dans la luzerne que je suis en train de faucher. Peux tu venir m’aider pour que je ne les fauche pas eux-aussi ?  »
Au bout du fil, Christophe, un ami et entrepreneur de travaux agricoles, fin connaisseur de la faune locale.
Le sentiment soudain d’une grande mission qui allait balayer la perspective d’une journée fade m’envahit.
Il fallait faire vite car Christophe, avait , lui aussi un timing à respecter.
L’ornithologie étant une activité très chronophage pour des résultats souvent décevants, je me suis dis en roulant, égoïstement, que je tenais la une occasion unique d’approcher une espèce particulièrement difficile à observer dans la nature.
Arrivé sur le site convenu, j’aperçus Christophe, immobile, à quelques mètres de son tracteur devant une rangée de luzerne fraîchement coupée et étonnamment vert malgré la canicule des derniers jours.

« Il est là » me montra-t-il du doigt sans même me regarder.
Il fallut que je m’y reprenne a deux fois avant de distinguer une petite boule de plumes en homochromie parfaite avec la couleur ocre mouchetée de brun des mottes de terre environnantes contre lesquelles s’était blotti le poussin.

« Et la mère ?  » lui demandais-je.
« Elle était là, il y a un instant…. regarde ce que tu peux faire….Je dois continuer à bosser… »
Le message était clair.
« Ok je vais le déplacer un peu pour le mettre à l’abri et que tu puisses continuer . »
J’avais un plan !
En bordure du champ une rangée d’herbes folles me paraissait être un abri sûr.
Après avoir fait un repère, posté dans ma voiture a une vingtaine de mètres, j’attendis, le cœur battant le retour de la mère.
Je la vis arriver, se coulant entre les petits paquets de luzerne, s’arrêtant à l’endroit précis ou elle était censé l’avoir laissé après le passage de la faucheuse.
La faucheuse qui d’ailleurs, sans mauvais jeu de mots, avait probablement emporté le reste de la nichée.

Je me dit que j’avais peut-être fait une erreur de le déplacer quand soudain la mère fit quelques enjambées dans sa direction.
De façon très surprenante elle se figea à environ 2 mètres de lui, alors que, manifestement, elle savait qu’il était là !
Puis elle rebroussa chemin pour revenir à l’endroit ou elle l’avait laissé.
Dans les codes de conduite de l’outarde canepetière, je suppose que la consigne, dans ce genre de situation, est de ne pas bouger quoiqu’il arrive !
La scène se répéta a plusieurs reprises, alors que le tracteur de Christophe continuait à la frôler.
Alors que de plus en plus de signes ostensibles de nervosité trahissaient l’angoisse de la mère, je me sentais envahi par le sentiment coupable d’avoir transgressé une règle qui pouvait s’avérer fatale pour l’oisillon.
N’y tenant plus, je sortis de la voiture.
Alors que la mère s’envolait rapidement à une centaine de mètres me dévoilant comme un regret le blanc immaculé de ses ailes, je fis signe à Christophe que je remettais le poussin là ou il l’avait trouvé lui demandant, par là même, de ne plus repasser dans ce secteur.

Je repris mon affût, non sans une certaine angoisse chevillée au corps.
L’attente me parut interminable.
Quelques minutes plus tard, alors que la parcelle était presque totalement découverte, surgissant de nulle part, dans un mimétisme parfait, la revoilà de nouveau s’arrêtant, statufiée à un mètre de son rejeton.
La torture ne s’arrêta pas la, l’attente fut si longue que je me mis a craindre que l’oisillon était peut-être blessé et ne pouvait plus bouger tellement son immobilisme était total pendant les manipulations.
Soudain, tel un bouchon de champagne le poussin sauta pour rejoindre sa mère, probablement a l’instant même ou celle-ci l’avait décidé.
Lorsqu’il fut entre les longues pattes maternelles, ils s’éloignèrent presque invisibles, dans une jachère voisine puis s’évanouirent sous le couvert protecteur.

Alors que le busard s’éloignait, je revois encore disparaître avec un immense soulagement ce merveilleux duo porteur d’espoir et d’avenir.

Hervé Bertozzi