Sortie ornitho à Candillargues

Pendant que la terre brûle…

Une douzaine de fervents de la nature encore vivante se retrouve vers 9 heures à Candillargues pour une journée de découverte des oiseaux.

Il fait froid et ça pétille sur la langue comme du champagne. C’est ça une sortie à la campagne par un matin de janvier.

Pas de parlottes, on y va.

Dès le départ le long du chemin, un vol de Pinsons des arbres, puis un autre de Moineaux friquets, voilà de la plume qui s’ ébroue autour d’un enclos à bouvine. Une gerbe d’ Alouettes des champs attire notre attention vers les herbes sèches au fond du champ, c’est là que des Chardonnerets se gavent de graines de chardons.

Nous évoluons lentement en rase campagne ou sur des platelages entre des roselières sèches ; une Alouette lulu ose se montrer ; deux Faisans de Colchide , égarés depuis un « lâche lâcher » de gibier, traversent lourdement notre champ de vision. Puis ce sont deux grands Cygnes tuberculés élégants qui s’éloignent des visiteurs, tête tendue vers un autre horizon .

Il fait vraiment froid, l’eau de la ro(u)bine est gelée en surface, pas une Bouscarle de Cetti dans les roseaux, mais des Gallinules poules d’ eau n’hésitent pas à piquer une tête pour arracher quelque racine au fond de l’ eau trouble.

Et puis, en grand mélange, des Flamants, pas si roses, figés sur une patte, des Tadornes de Belon en couple ou en grappes, des Aigrettes garzettes et des Canards colverts en famille ; toute cette faune habituellement en mouvement semble attendre la fin de la matinée et une température meilleure pour s’ébrouer un peu.

Dans les airs, un Faucon crécerelle en vol stationnaire vise une petite proie au sol, un Rouge gorge chante l’hiver, une Pie bavarde et une Corneille noire s’évitent soigneusement en dévalant des branches nues, et des Pouillots véloces volettent sans trop savoir où ils vont se poser, pourvu que ce soit à l’abri des regards et des objectifs indiscrets.

Au loin, un Busard des roseaux- c’ est une femelle, beige et marron- descend dans les sagnes et un groupe de Flamants , bien roses ceux-là, enfin réchauffés, s’envole sans effort, le bec vers le soleil.

Plus près de nous, une Grande Aigrette solitaire avance avec précaution au ras des herbes, et une Fauvette mélanocéphale furtive fait une apparition au coin d’un buisson, tandis que du côté de l’eau, dans le grand bassin de l’étang de l’Or, des Grands Cormorans guettent ou se baladent de long en large au ras de l’eau, toujours en recherche, nargués par les Tadornes ici en nombre.

Une rangée de grands Hérons cendrés, est en batterie comme des soldats de l’est à la frontière ukrainienne, ils fixent un point connu d’eux seuls… des proies  qui bougent ?… la température commence à s’améliorer.

Entre des pâtures labourées et des champs à l’abandon pour la saison, une Bergeronnette grise et un Pouillot véloce gardent nos yeux au sol, ce qui ne nous empêche pas de repérer de nombreux Ibis falcinelle et 5 Cigognes blanches qui profitent d’une ascendance d’air chaud pour se déployer, toutes ailes étirées, haut dans le ciel.

Et hop ! Un Pipit Farlouse se pose sur un piquet. Le temps de feuilleter nos méninges entraînées par Peterson et Géroudet, et le voilà reparti. Son petit corps fuselé, sa robe tachetée sur le ventre, quelques rayures sur le côté. C’est bien un Pipit disparu en un clin d’œil.

En route pour la Manade Lafon, une envolée d’Étourneaux sansonnets nous fait rêver à ces chorégraphies fantasques dont ils sont capables, dans le ciel sec d’hiver, ces formations à l’écriture mouvante et indéchiffrable ; mais comment font-ils pour ne pas se percuter en formations aussi serrées ?

Après un repas partagé, à l’abri du vent piquant, sur les terres protégées de la manade, nous laissons le temps s’étire, devant un grand écran de Vanneaux huppés, Hérons garde bœufs et Aigrettes garzettes qui croisent dans le marais.

Mais ce sont surtout les escadrilles multiples d’ Ibis Falcinelle qui traversent le ciel au ras de la sansouïre, leurs corps graphiques dessinés à l’ encre de Chine sur fond bleu.

Toutes ces beautés à protéger, pour que notre descendance puisse continuer à les repérer, nommer, admirer en vol ou dans les arbres, comment leur dire que l’observation de leurs évolutions et l’écoute de leurs vocalises est notre pratique religieuse du dimanche ?

Heureusement, nous savons par des scientifiques éclairés, que, même si la vanité humaine brûle la nature en certains endroits, même si l’homme disparaît à terme de la planète, la terre unique et ronde subsistera dans sa galaxie, et les plantes et oiseaux y garderont la place qu’ils occupent encore.

Bravo les oiseaux ! Il fait moins froid dès qu’on vous voit, et on a envie de vous retrouver encore et encore, et d’initier nos petits pour qu’ils vous gardent en nombre dans les champs et les étangs et aussi plus loin dans les montagnes.

Janie Broqua, 23/01/2022

Photos : Hervé Bertozzi

Également quelques photos de Danièle Tixier-Inrep :

Oiseaux rencontrés le matin à Candillargues par ordre d’apparition :

Moineau Friquet, Chardonneret élégant, Pinson des arbres, Buse variable, Faisan de Colchide, Alouette des champs, Cygne tuberculé, Héron cendré, Tadorne de Belon, Gallinule poule-d’eau, Aigrette garzette, Flamant rose, Pouillot véloce, Faucon crécerelle, Rougegorge familier, Corneille noire, Pie bavarde, Fauvette mélanocéphale, Goéland leucophée, Busard des roseaux, Rougequeue noir, Grande aigrette, Mouette rieuse, Grand cormoran, Canard colvert, Bergeronnette grise, Ibis falcinelle, Pipit farlouse, Serin cini, Cigogne blanche, Étourneau sansonnet, Moineau domestique.

Et en plus, l’après midi à la Manade de St Nazaire :

Cochevis huppé, Tarier pâtre, Grive musicienne, Vanneau huppé, Héron garde-boeufs

soit 37 espèces dans la journée.