Sortie ornitho au Pont des Tourradons
Des taureaux, des chevaux, des aigrettes, ça y est nous sommes en Camargue. On l’appelle « Petite Camargue », alors qu’elle a tout de la « Grande », celle qui a subi le remembrement, et on se sent bien ici avec les haies, les mas et les marais plus ou moins asséchés.
C’est ici, au Pont de Tourradons, à quelques kilomètres de la Tour Carbonnière d’Aigues-Mortes, que commence notre sortie ornitho organisée par Gard Nature.
Aux alentours du pont, ce sont :
Des Rolliers sur les fils électriques,
Des Aigrettes garzettes les pieds dans l’ eau,
Des Hérons cendrés qui font semblant d’être indifférents, l’œil entr’ouvert, au cas où…
Un Héron pourpré dont on aperçoit seulement la tête et le long bec dans les touffes de joncs,
Des Échasses blanches, les pattes dans l’eau, ou au nid, affairées autour de leurs poussins,
Des Tadornes de Belon dodus et si élégants en vol (Madame devant, Monsieur ensuite)
Une Rousserolle effarvatte furtive, pressée,
Des Fauvettes aux tons doux et des Etourneaux sansonnets en bandes, et bien sûr, omniprésent, l’appel discret de la Bouscarle de Cetti cachée dans les branches de tamaris.
Un Faucon crécerelle faisant le « Saint Esprit » : un vol stationnaire lui permettant de pister une proie éventuelle.
Un vrai poème de Prévert.
Une Pie-grièche, juchée très haut pose question : est-ce bien une Pie-grièche écorcheur ?
Les Pies Grièches sont des sortes de petits rapaces variés :
Celle à Tête rousse est migratrice,
La Pie-grièche écorcheur empale ses proies sur des épineux en réserve pour un repas à venir,
Enfin, très rare en Languedoc, la Pie Grièche à Poitrine Rose a pratiquement disparu depuis quelques années.
Nous observons aussi des Foulques macroules qui batifolent, un Bihoreau gris qui s’élance au-dessus de l’eau, quelques Hérons garde-bœufs impassibles qui cherchent à atterrir sur le dos d’ un animal accueillant.
Et voici des Ibis falcinelles, des Martinets noirs en un ballet incessant au-dessus des étangs, alors qu’un Rossignol philomèle nous enchante en musique de fond. Suite du poème de Prévert…
Plus loin , au bord de l’ Étang de la Carnassière, ce sont :
Des Chardonnerets en bouquets,
De Grandes aigrettes au pas lent,
Et bien sûr, des Flamants roses,
Un vol de parade de Pigeons ramiers,
Des Sternes pierregarins (de marigots, pas de mer)
Une Buse variable au-dessus de la roselière,
Des Étourneaux sansonnets qui s’égaillent dans les buissons accompagnés de quelques Moineaux domestiques,
Des Grands cormorans et de nouveaux Ibis falcinelles,
Des Mouettes mélanocéphales qui « miaulent » au vent.
L’ assèchement de certains marais a précipité le départ des Sternes naines, mais bien d’autres espèces sont là : Echasses en famille, Cisticoles des joncs, Bergeronnettes printanières et une espèce plutôt rare, « du lourd » dit Hervé :
Un Faucon hobereau plane tranquillement : culotte rose, ailes typiques de Faucon et moustache noire. En duo, il nous ravit pendant le reste de la matinée avec ses allées et venues assez haut dans le ciel.
Au marais du Charnier, grâce à l’aide d’ une lunette de pro, nous apercevons au loin de jeunes Talèves sultanes, pas encore bien marquées en fait de couleurs, plutôt dans les gris juvéniles. « Les Talèves, j’en rêve ». Quel plaisir de les trouver là parmi les autres oiseaux paludicoles du marais !
En chemin, autre bonheur !, une famille complète de Panures à moustaches nous fait l’honneur de se déplacer devant nous dans les roseaux : papa, maman et trois jeunes, qui sont en fait déjà aussi gros que leurs parents.
Ces oiseaux forment une famille à eux seuls en Europe, ce sont les Timaliidés (on apprend, on apprend..)
Revenons aux Sternes, nombreuses et variées, ici des Sternes hansels, qui ressemblent pas mal aux mouettes, le bec tout noir et pas de filet à la queue.
Plus loin, deux Spatules blanches s’ envolent bec en avant. Tout le monde ne les a pas vues , mais qu’importe, elles sont bien présentes dans cette zone.
Nous retrouvons deux Faucons hobereaux (capables d’ attraper une hirondelle en vol), deux Talèves timides et vite cachées dans la roselière, ainsi que de Canards colverts, plus classiques; quelques Bergeronnettes printanières et un nouveau vol papillonnant de Cisticoles des Joncs.
Hervé pense même avoir vu un Crabier chevelu, il doit avoir les yeux derrière la tête (Hervé, pas le Crabier) et même un Coucou gris, que personne n’ a vu non plus, doit être rajouté à la liste.
Un peu plus loin au sud, sur une butte anciennement utilisée pour des déblais, on aperçoit une Huppe. On l’entend surtout : « hou pou pou », elle nous nargue et retourne peut-être à son nid..
Face à un étang asséché, dans des débris végétaux épars, se baladent des Cochevis huppés. Un très grand Milan noir croise des Vanneaux huppés et même une rare Glaréole à collier est photographiée par Jackie « de trop loin » dit il, mais on voit bien le « jeez » élégant de cet oiseau fin au vol fluide face au soleil de midi.
En route vers les ombres nécessaires au pique-nique, nous trouvons une Cigogne blanche perchée dans son nid sur un poteau, des Choucas, nos deux Hobereaux…On n’est pas venu pour rien.
Bien sûr, après avoir mangé, et par ces chaleurs, une sieste locale serait la bienvenue et on resterait bien là, jusqu’à l’heure où les grillons deviennent les maîtres du monde, mais Hervé est déjà debout (pas étonnant, Maryvonne lui a piqué son siège) et nous harangue pour aller voir la suite.
Une Hypolaïs polyglotte lui donne l’occasion bienvenue de nous faire bouger, et nous apprenons que ce charmant petit oiseau jaune au bec fuselé est capable d’en imiter d’autres quand il chante, d’où son nom. On lui pardonne la fin de notre pause.
Au mas d’Anglas, dans un site idyllique de lagune entourée d’arbrisseaux, des taureaux s’affrontent en mugissant. Ça a l’air de chauffer !
C’est peut-être à cause de quelque vachette qui observe du coin de l’oeil, indifférente, mais qui espère avoir la visite du gagnant à la fin des politesses.
« Bon, on est là pour une sortie ornitho » rappelle Laurent et nous nous tournons vers ce magnifique paysage redevenu paisible, avec ses Cygnes tranquilles, Canards colverts , Moineaux domestiques, Aigrettes garzettes, Guifettes moustacs toutes petites, le tout survolé par de nombreuses Hirondelles rustiques qui rasent l’eau de très près, et de quelques Goélands railleurs au bec lie de vin. Au loin, une Cigogne blanche domine tout le paysage du haut de son piédestal, royale dans son nid qui doit faire un mètre cube.
La chaleur nous épuise et l’ombre des cyprès seule a nos faveurs. Hervé y a vu un Serin cini, mais pas nous, pauvres aveugles que nous sommes.
Un peu plus tard vers Beauvoisin, dans les champs de luzerne, nous espérons trouver des Outardes canepetières. On les entend qui « pètent ». Quelques hommes essaient discrètement de les approcher, mais ils n’ont sûrement pas de gênes de Sioux et elles s’envolent au loin, belles en noir et blanc, pour aller se cacher plus profondément dans les herbes. Mais, bon, on les a bien vues, alors que les Œdicnèmes criards qui leur sont habituellement associés ne daignent pas montrer leur gros œil jaune.
Heureusement les Rolliers sont là, en couples, qui volettent et se posent sur des pieux, parmi des Pies bavardes qui nous indiquent la présence de leurs nids, par là, dans les bois. Des nids de Pies ? Alors on va peut- être voir des Coucous geais. Leurs parents ont squatté les nids de Pies et sont partis, abandonnant leur progéniture. Déception, on s’ en va. Un Pipit rousseline découvert au passage ne compense pas l’envie de trouver ces beaux Coucous geais, un peu huppés, gris tachetés, à gorge jaune.
On va se quitter quand, merveille des merveilles, trois Coucous geais apparaissent au niveau de nos yeux dans les branches basses d’un pin. Ils s’envolent lentement, leur destin pendu à leur cou jaune pâle; qui sait comment ils retrouveront le chemin de leur première migration tout seuls ?
Ajoutons, au terme de cette journée de découvertes, que de nombreux arrêts ont eu lieu autour de plantes, d’insectes, hyménoptères et lépidoptères variés qui nous rassurent sur la qualité de la biodiversité dans notre dite « Petite » Camargue. Alors, puisque nous avons cette chance de pouvoir profiter autour de nous de toutes ces plantes, tous ces insectes et oiseaux, il n’ y a plus qu’à éteindre tous les écrans, mettre le nez dans l’ herbe et les yeux dans les nuages, car c’est bien là qu’est LA VIE.
Texte : Janie Broqua
Photos : Serge Broqua