Sortie ornitho en « Petite Camargue »

On était en l’an 2021, le 30 janvier, et le virus soufflé par la Chine courait encore et toujours.

Depuis pratiquement un an, il avait supplanté tout autre sujet d’intérêt, de crainte, de conversation, mais… ce matin là, les irréductibles ornithophiles de Gard Nature se sentaient des ailes -pas mal quand on adore les oiseaux- car la veille, un ministre les avait gratifiés d’une belle mesure inattendue : non ils ne seraient pas confinés, pas enfermés chez eux pour la troisième fois, comme les médias alarmistes le leur avaient fait craindre depuis plusieurs semaines.

L’impatience aidant, car aucune sortie de ce genre n’avait pu avoir lieu depuis plus de six mois, la plupart se retrouvaient au point de rendez-vous bien en avance, jumelles au cou, et déjà à l’affût du moindre bec de passage.

Enfin, les curieux de nature (de Nature) étaient là au parking de la Tour Carbonnière à côté d’Aigues-Mortes.

Première déception : la passerelle aménagée au ras de l’eau sur le marais avait été fermée par les autorités -quelque virus devait rôder par là…

Qu’à cela ne tienne, le groupe constitué et les conseils d’usage donnés par Hervé et Laurent, voilà tout le monde parti, en deux groupes et dûment masqué.

La journée était prévue en deux phases: le matin dans les marais d’Aigues- Mortes; l’après midi auprès des Grues cendrées vers le Scamandre, plus loin sur la route des Saintes.

Un Rouge-Gorge curieux, quelques Cormorans inévitables, et tout de suite voilà les Flamants : les stars de nos régions côtières. Pas tous bien roses encore, un peu ternes car ils vivent 4 ans avant de se reproduire et donc de présenter les couleurs vives qui leur sont nécessaires pour charmer les femelles lors de parade nuptiale.

Cette parade n’en est qu’à ses débuts en janvier, elle comporte une dizaine de phases successives, mais le groupe pourra en observer seulement 5 : formation de groupe cou levé/ marche synchronisée/ exhibition d’aisselles en rose, noir, blanc, style Coco Chanel/ présentation du croupion/ tapotement du pied droit dans l’eau. Tout ça pour attirer l’œil des femelles, plus petites en taille, qui jouent les blasées et se joignent plus ou moins au groupe, mais ne semblent pas vraiment intéressées.

Les mâles boudent et se recroquevillent, le bec à nouveau dans le marais, à la recherche de quelque petit crustacé égaré, « On réessaiera un peu plus tard ! »

Les observateurs patientent et en profitent pour repérer une Huppe fasciée en plein vol, la première ? Ou a-t-elle hiverné chez nous ?

Une Grande Aigrette semble peu curieuse des simagrées des flamants.Des Foulques sont tout aussi indifférentes et vaquent à leurs recherches dans l’ eau, tout au fond du plan d’eau.

Très haut dans le ciel, un vol de Vanneaux huppés, puis un grand groupe d’ Ibis falcinelles rappellent que cette zone est un couloir de passage de migration, c’est un peu tôt pour ça, ou en tout cas une zone d’ évolution pour ces espèces grégaires qui aiment toutes les eaux calmes pour se (re)poser.



Des Goélands évoluent aussi, le vol assez lent comparé à celui des mouettes, plus court et saccadé.

Les yeux sont également attirés par des Bergeronnettes grises, puis un Martin pêcheur rapide comme un éclair bleu orange, qui se laisse admirer quand- même un peu plus tard, bec au vent, posé sur une palissade; mais loin, il reste loin, au-delà des capacités des objectifs qui baissent le nez. Mieux vaut le voir quelques secondes avec les yeux.

Deux Gallinules Poules d’eau s’amusent entre les touffes de joncs, un peu énervé(e)s, avec des mouvements brusques, la taille de leur casque indique leur sexe : ce sont des mâles.

Retour vers le parking le long de la route, quelques voitures nous rasent les moustaches alors que nous visons, côté ouest, des Tadornes de Belon, quelques Canards colverts (Monsieur/ Madame) et… un oiseau qui pose question. Comment reconnaître à contre jour, sur un ciel bâché, une Sterne ? « Allo Hervé !  »
Lui seul peut détecter la tête carrée bien noire sur le dessus. Confirmation dans la bible des ornithos : certain(e)s Sternes Caugek passent bien l’hiver dans notre région. C‘est un oiseau d’eaux salées, alors que la Guifette qui lui ressemble (un peu) est attachée à l’eau douce.

En route pour le Scamandre, peu d’oiseaux en chemin si ce n’est par ci par là une Pie dans un arbre, et la vision de son nid de branchettes nues au travers des tamaris encore bien marqués par l’hiver.

Quelques chevaux, tête basse, nous regardent à peine, remisés pour raison d’ inactivité, le long du canal des Capettes.

Mais les Grues cendrées sont bien là, en train de picorer du grain dans les champs moissonnés. Les quatre premières s’envolent, affolées par notre caravane de voitures, pourtant majoritairement grises comme elles, mais si bruyantes !
Ces Grues hivernent en Camargue, où elles trouvent à se protéger des prédateurs la nuit, les pieds dans l’eau, et où elles ont dans la journée de la nourriture dans les champs fauchés.

Plus loin, une vingtaine d’entre elles grignote des restes de grain au sol.

Au fond une grande troupe, à l’abri des regards curieux, continue, imperturbable.

Les familles sont en général regroupées, par 3 ou 4, car un ou deux juvéniles restent près de leurs deux parents; la plupart de ces Grues vont se reproduire dans le nord de l’Europe, et donc toutes celles qui patientent là repartiront en février pour une nouvelle nidification.

Et voilà qu’on apprend qu’un Busard Saint Martin a traversé la route. Devant la voiture d’Hervé et Maryvonne bien sûr ! Demandez pas ! Il y a de ces hasards… un peu frustrants pour ceux qui n’ ont pas l’œil assez averti.

Le temps d’ apercevoir un Bruant des roseaux et un joli feu d’ artifice de Pinsons des arbres et…Aïe! Un grain nous surprend tête nue.

Il devait pleuvoir à midi. Bravo les météorologues.

L’atmosphère est un peu tendue au pique-nique car il a été décidé de ne pas échanger de nourriture, contrairement aux habitudes du groupe, mais tout le monde se détend au café. Les langues se délient alors que la pluie continue en rideau sur les marécages alentour, et nous terminons en beauté grâce aux gâteaux partagés : cake coco/choco concocté par Claudine puis chiffon cake léger comme une plume préparé par René.

Tout le monde a besoin de s’ébrouer un peu alors que quelques Canards colverts et un Grèbe castagneux nous montrent qu’ils ne sont absolument pas gênés par la pluie qui bat les vitres de la baie panoramique. Ils accaparent l’attention pendant que d’autres feuillettent les albums de photos d’Hervé et Maryvonne, pleins de merveilles de diverses zones du monde, ou que d’autres encore commencent à faire des projets pour une autre sortie.

En fait, on sent que tout le monde a apprécié de se retrouver pour échanger et partager, et que ce plaisir a largement supplanté l’impression d’hiver donnée par le temps maussade.

Au fait, on ne devait pas voir un certain Faucon émerillon dans la zone où se trouvaient les grues ?

Trop tard.

Tout va bien .

A la prochaine en avril ?

Le 31 janvier 2021

Texte Janie Broqua – Photos Hervé