Splendeurs natur’ailes n°8 : les limicoles (1)

La Camargue ! Que d’images romantiques évoque ce simple mot…

Un pays secret, peuplé de chevaux et de taureaux sauvages, de plages infinies, de fiers cavaliers, envoûtantes gitanes…ou que sais-je encore…

ceinturé de steppes vierges qui se perdent dans le bleu délavé d’un ciel immense…

Pourtant, ces images d’Épinal d’un monde primitif sont aujourd’hui sérieusement écornées par l’action de l’homme.

L’estivant qui rêvait de retrouver un jardin d’Éden ne verra peut-être que des barbelés, des clôtures, du goudron et du béton le long de la route qui le conduira, coincé dans les gaz d’échappement d’une interminable file de voitures, jusqu’à une plage surpeuplée (bon d’accord, peut-être un peu moins en ce moment…)

Pour autant, le sol sauvage du gardian de Camargue, de Crin Blanc et du marquis de Baroncelli existe encore pour qui sait le dénicher.

Certains matins d’été, lorsque les premiers migrateurs ailés aperçoivent du ciel ce miroir magnétique, ils viennent s’y blottir pour reprendre des forces et changer quelques plumes avant la poursuite du Grand Voyage.

Depuis la nuit des temps, ces mouvements pendulaires, immuables, font de cette terre humide un écosystème indispensable à la survie de tous ces petits voyageurs au long cours.

Regroupés sous le vocable de « Limicoles » (étymologiquement : qui aiment la vase, le limon), j’attends chaque année leur retour avec ferveur.

Ils rythment le temps et ma vie de contemplatif depuis qu’ils m’ont ouvert les portes de leur monde aquatique.

Cette semaine, vous l’avez compris, je vous emmène au marais, juste à côté de la départementale, dans le cœur secret du delta, à la découverte de cette vie qui palpite encore.

La famille des Limicoles est si vaste que cette chronique pourrait être la première d’un feuilleton de l’été.

Je vous propose de partir à la recherche des séduisants chevaliers, dont les premiers viennent depuis peu, nous offrir en spectacle leurs gracieuses silhouettes.

Le jour se lève sur les nappes luisantes de vase de cet univers mouillé, générateur de vie.

Une famille de trotte-menus fouille frénétiquement les entrailles de cette terre nourricière que le Rhône chérit entre ses bras.

Chut ! Ne faisons plus de bruit, savourons seulement le spectacle de ces beautés évanescentes…

Texte et photos : Hervé Bertozzi

Parmi les différents types de “petits échassiers” les plus équilibrés dans leurs structures, voici, du plus grand au plus petit, les gracieux chevaliers que nous pouvons observer chez nous.

Chevalier aboyeur: Tiou ! Tiou ! Tiou ! Un oiseau robuste au dos gris et ventre blanc, aux pattes vert jaunâtre et au bec légèrement retroussé vient de décoller.
Je me pose la question comment son cri flûté a-t-il pu faire penser à un aboiement.

Chevalier arlequin : Un échassier élancé noir ardoisé patauge en compagnie d’autres oiseaux au plumage différent. Pourtant ils sont de la même famille.
C’est tout le charme de l’identification des limicoles qui arborent des livrées complètement différentes selon l’âge, la saison et parfois le sexe…
En toute saison il conserve la base du bec rouge et les pattes rouge-orange à rouge sombre en plumage nuptial. Le bec est légèrement  “tombant” à sa pointe.

Chevalier gambette: Ah ! les belles gambettes. Adultes : bec rouge et noir, pattes rouge-orange. Jeunes : pattes et bec pâles. Large bande blanche à l’arrière de l’aile.

Chevalier stagnatile : le “chevalier des étangs” a le prestige de la rareté.
Adulte blanc rayé finement de gris. Jeune brun gris et taches brunes. Souvent confondu avec un petit aboyeur. Gracieux et vif.


Chevalier culblanc : Contraste frappant entre le dessus foncé et le dessous clair. Pattes courtes. Discret et nerveux. Hochements du croupion moins prononcés que chez le guignette.
A l’envol, le blanc du croupion et de la queue est très caractéristique et lui a valu son nom.

Chevalier sylvain : Le “chevalier des forêts”. Queue blanche barrée de noir. Tête et dos gris brun avec liserés blancs sur les plumes donnant une impression d’écailles. Taches brunes au manteau, peu farouche.

Chevalier guignette: Fréquente les bords des rivières. Avec ses 50 gr, c’est le plus petit de la famille. Balancements du corps caractéristiques.
Longue barre alaire blanche, avec un “croissant” blanc qui remonte sur l’épaule. Le seul dont l’aile au repos ne recouvre pas la queue.


En photo avec un culblanc avec lequel on peut le confondre :

Je ne vous ai pas parlé du Combattant varié car il a été retiré de la liste des chevaliers (autrefois on l’appelait le Chevalier combattant).
Comme il est le roi des transformistes, je vous le présenterai un autre jour.

En post-scriptum, un petit mot d’un adhérent d’Isère :

Cher Hervé,
Camargue,
    Simple mot comme tu le dis si bien, venu d’un temps lointain,  celto-ligurien, provençal, tu le sais mieux que moi.
Enlacé dans les bras du Rhône, ce beau territoire lumineux, magique ou l’eau diffuse encore mieux qu’ailleurs la vie.
La fureur du Rhône et de la Durance a été assagie, anthropisée.
Alors déesse Camargue danse entre les bras d’un vieux guerrier désarmé, son grand et son petit bras mutilé saisissent les hanches de cette belle au cœur tendre.
    Entre espace et territoire, la diplomatie fragile entre le vivant et les hommes est à construire, maintenir, développer. Activités ancestrales, homme moderne, vivants de toutes formes aux droits oubliés, nous devons composer une nouvelle symphonie.
Et c’est la que le chef d’orchestre Bertozzi se met à l’œuvre. Photos aux couleurs justes, ou notre regard est magnifié par une chorégraphie toujours réinventée, chasseur de rêves aux matinées sacrifiées dont les textes inspirent nos espoirs. 
Migrateurs sur leur terre d’asile, l’ambassadeur Bertozzi rédige sans cesse une nouvelle symphonie dont les mots chantent et réinventent le vivant.
Merci Hervé .
Attendant avec impatience les suites de natur’ailes.
Yann, Marianne, Ronan, Lison et Moïra. (Grenoble).