Splendeurs natur’ailes n° 37 : « Pélagos »
Notre sortie en mer, prévue avec le groupe en février, ne pouvant avoir lieu,
je reprends exceptionnellement la plume pour adoucir (ou exacerber…) la frustration de tous ceux qui devaient y participer.
Nous avons eu la chance avec la magicienne, ce samedi 15 janvier, de trouver, au dernier moment, deux places disponibles.
La météo prévoyait des températures négatives le matin, du grand beau tout le jour, pas de vent (enfin ! ), une mer d’huile… Le top en somme !
Nous voilà donc tous les deux sur le quai de la capitainerie de Port Camargue,
prêts à fendre les flots dans l’espoir d’y retrouver nos splendeurs natur’ailes pélagiques
(c. à d. celles qui passent toute leur vie en haute mer et qui ne reviennent à terre que pour se reproduire) mais aussi les vagabonds du littoral.
Il est treize heures quand le catamaran fait route vers le grand large, noyant derrière lui les immeubles de la station balnéaire dans une brume rosée.
A quelques milles nautiques de la côte, quelques premiers déchets de poissons sont jetés par dessus bord, à l’arrière du bateau.
Alors que, jusque là, aucun oiseau n’avait été aperçu dans les environs, comme par magie, l’incroyable se produit :
Surgissant de nulle part, des dizaines, bientôt des centaines, de Goélands apparaissent dans le sillage du bateau.
Ils seront bientôt rejoints par d’autres espèces beaucoup plus maritimes, pour certaines en résidence hivernale.
Le spectacle va prendre alors une tournure baroque, envoutante.
Le bruit du moteur est couvert par les cris des oiseaux.
Dans cette nuée indescriptible, des Fous de Bassan s’invitent au grand banquet en plongeant comme des torpilles,
des Puffins courent sur les crêtes des vagues pour glaner quelques restes oubliés par les Goélands qui se battent en hurlant comme des chiffonniers.
Les boitiers crépitent pour essayer de saisir les ailes vibrantes au milieu de cette curée insolite.
Je panique, je me dis que j’ai peut-être oublié de prendre des cartes mémoire, des batteries ou je ne sais quoi encore…
La magicienne me rassure…
Des grands Dauphins sont annoncés vers l’avant, puis sur le côté… à 3 h… non, à 9 h… !
Je n’en crois pas mes yeux, là, un grand mâle avec sa dorsale blanche, ici, une maman avec son petit, plus loin un ado qui jaillit très haut au dessus de la nappe luisante…
Un feu d’artifice de gerbe d’écume… Puis subitement, ils sondent et disparaissent.
Retour à l’arrière, les oiseaux sont partis mais, comme par enchantement, la nuée revient aux premières sardines jetées par dessus bord…
Les Dauphins reviennent… Ils sont si près, j’ai le tournis ! J’ai perdu mes lunettes… Mais je vois bien qu’ils nous sourient !
La magie du spectacle va opérer ainsi durant près de cinq heures jusqu’à ce que la ligne d’horizon s’embrase pour annoncer que le rideau va bientôt tomber.
De toute façon, il n’y a plus que l’odeur sur le pont pour nous rappeler le poisson…
Les lumières s’allument sur la côte.
Les paupières sont lourdes sur les yeux qui brillent.
Nous sommes tous rassemblés dans la cabine. Comme saoulés par tant de beautés, plus personne ne parle.
Seuls, à l’avant, deux tourtereaux enlacés nous refont la grande scène du Titanic.
C’est vrai qu’on a jamais froid quand on est amoureux…
Bonne année à tous.
Texte et photos : Hervé Bertozzi