Splendeurs natur’ailes n°10 : «Martine à la pêche»
Par une belle matinée froide et ensoleillée de janvier, je suis tombé sous le charme d’une petite créature qui m’envoyait des clins d’œil colorés du bord d’une roubine.
Plusieurs matins j’allais la retrouver, loin des fureurs de la ville, dans le silence ouaté de sa retraite hivernale où elle m’avait invité.
Le temps, alors, s’arrêtait… jusqu’au jour où l’eau a gelé et où elle a disparu.
Vous l’avez deviné, ce petit diamant brut aux couleurs insensées s’appelle un Martin pêcheur d’Europe…Ou plutôt une “Martine”, vous verrez pourquoi…
En pleine grisaille hivernale, sa livrée aux reflets changeants, passant du bleu turquoise, outremer et cobalt, au vert émeraude sur la tête et le dos, allant jusqu’à un roux éclatant sur la poitrine, avait de quoi étonner…
Autant d’ailleurs que son physique pour le moins original, avec sa grosse tête au bec démesuré, ses pattes minuscules et sa courte queue.
Pour me séduire totalement, elle m’a offert un spectacle renversant que seule la Nature est capable d’inventer.
Elle a rendu fou l’auto focus de mon appareil (et moi avec !) avant que nous parvenions a nous entendre afin de fixer sur la carte mémoire les plus belles phases de sa technique de pêche.
Oui, parce qu’en plus d’être belle, elle aime le menu fretin, ce qui lui a valu, il y a encore pas si longtemps que ça, d’être persécutée par l’homme…
Je dois préciser qu’elle avait jeté son dévolu sur une grande flaque d’eau boueuse, peu profonde, enjambée par un vieux pont et que les proies étaient minuscules sous un miroir déformant, que l’action ne durait qu’une seconde… et qu’elle ne remontait quasiment jamais bredouille sur son muret d’où elle contrôlait son univers !
Les gerbes d’eau engendrées par la violence de ses plongeons n’étaient pas entièrement retombées qu’elle était déjà de retour sur son poste de guet.
Le petit yoyo lumineux ne s’interrompait que pour faire un brin de toilette ou raccompagner avec véhémence un congénère vers la sortie.
Entre deux voltiges, je me suis pris a croire qu’elle était née sur les berges d’une rivière aux eaux vives avec, comme voisins, des Cincles plongeurs et des Bergeronnettes des ruisseaux et qu’elle y retournerait au printemps lorsque l’irrésistible fièvre de la reproduction monterait en elle.
Ici, dans ce havre de paix Camarguais, elle a probablement partagé les bords de la roubine avec d’autres petites bergères, gracieuses avec leur hochement de queue : des Bergeronnettes grises et printanières.
Lorsque ce matin glacial ou l’eau a gelé et qu’elle n’était plus là, je me suis pris à espérer qu’elle avait réussi à partir à temps vers le sud.
Elle m’avait simplement laissé ce mot étrange sur la pierre :
“ Ô temps suspends ton vol et vous, heures propices suspendez votre cours…
Laissez nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours…”
C’était signé : La Martine…
Durant les deux hivers qui ont suivi, je suis retourné sur les lieux de notre merveilleuse rencontre, mais je ne l’ai jamais revue…
A bientôt (puisque vous le voulez toujours…)
Texte et photos : Hervé Bertozzi
Martin pêcheur d’Europe :
Madame se maquille avec du rouge à lèvres (uniquement sur la mandibule inférieure)Petit vol stationnaire de repérage… La proie (petite crevette bien dodue) est repérée…
Pénétration violente dans l’eau, la proie est dans le bec, opération réussie…
Retour à la tour de contrôle… Dégustation…
Monsieur, même technique, moins de réussite…
Cincle plongeur : les poussins attendent le retour de maman…
Bergeronnette des ruisseaux
Bergeronnette printanière (présente uniquement à la belle saison), comme son nom l’indique (la petite bergère) elle adore la compagnie des troupeaux…