Splendeurs natur’ailes n°13 : « Le crépuscule des géants »

Bien ! La cérémonie des Césars étant terminée, le plein de carburant (bio !) étant fait, nous pouvons reprendre la route.

Cette semaine nous allons rester dans la péninsule Ibérique.

Je vous emmène au cœur de l’Alentejo la secrète, cette province du Portugal, rurale, immense et chargée d’histoire, tellement différente de sa bouillonnante voisine, l’Algarve et son tourisme de masse, dernier morceau de terre d’Europe avant l’Afrique.

28 mars 2017.

Sous la brume froide qui enveloppe la plaine infinie, une lueur blafarde peine à préciser les contours ondoyants des collines qui nous entourent.

Nous sommes dans le 4/4 de Roger (prononcer Rod-geur), grand photographe animalier, sur un point de vue dominant cet étrange paysage deviné la veille à la nuit tombée, lors de notre arrivée.

L’excitation de rencontrer enfin ces oiseaux mythiques qui n’habitaient que dans mon imaginaire, et la fatigue du voyage ont grignoté ma nuit.

Mais, enfin ! Nous y sommes !

Il aura fallu pour cela que nous croisions la route de Célia et Andrew, nos amis de la perfide Albion, pour que ce projet ornithologique de grande envergure (vu la taille de l’oiseau !) prenne forme quelques années plus tard.

Roger, l’ami d’enfance d’Andrew, vient ici en quasi pèlerinage, depuis des années, pour y observer un des volatiles comptant parmi les plus menacés de la planète.

Cet oiseau cristallise tous les superlatifs par sa rareté, sa sauvagerie, son étrangeté ou encore sa taille.

Il est le plus lourd oiseau volant d’Europe (certains mâles afficheraient un poids respectable de 18 kg…)

Il est, à l’instar du Grand Tétras, le Graal pour le passionné d’oiseaux.

Ce géant à l’avenir précaire, fuit l’homme qui l’a persécuté comme la peste.

Il ne vit plus que dans quelques poches résiduelles, dans l’immensité de quelques steppes naturelles.

Le titre “le crépuscule des géants” induit un double sens : la prise en compte de son regain d’activité crépusculaire lors de ses spectaculaires parades nuptiales et le déclin dramatique de ses effectifs.

Le chant du Cochevis de Thékla encourage le soleil à percer la grisaille.

Les cimes des collines émergent peu à peu d’une mer de brume.

En bas, la blancheur des maisons basses du minuscule village de Guerreiro, point de chute de notre futur séjour fabuleux, accentue son isolement.

Les affleurements rocheux, tels des vaisseaux fantômes, émergent à leur tour d’un océan de prairies éphémères aux couleurs défiant l’imagination.

Soudain, surgissant de nulle part, des silhouettes de grosses bêtes, encore obscures, amorcent l’ascension du mamelon d’à côté, au sommet duquel une gigantesque fleur immaculée semble les hypnotiser.

Ce sont des femelles Outardes barbues qui entourent peu à peu l’arène où un grand mâle vient d’entamer son étrange ballet de séduction.

Mon pouls s’accélère (la prochaine fois, il faut que je pense à apporter un défibrillateur dans mes bagages…).

A ce moment précis je m’imagine pas encore que ce premier instant magique va donner le ton à une semaine rythmée par une cascade d’émotions provoquées par des rencontres humaines et animales inoubliables…

Andrew nous quittera peu après notre épopée Lusitanienne, et ce treizième récit lui est dédié…

Son esprit plane peut-être au-dessus des Hautes Terres, en Ecosse, pays des mythes et des légendes, d’où il était originaire.

Là-même où j’ai l’intention de vous entraîner d’ici peu.

A bientôt.

H.B.

 



Les femelles arrivent de tous les horizons, séduites par la danse d’amour du mâle.

La palette chromatique du tapis végétal a de quoi faire rêver le peintre impressionniste. Le printemps est précoce, mais ne dure pas. Dans quelques semaines tout aura disparu.

Calme et solitude. Perdus au milieu de cet océan de prairies, quelques hameaux blanchis à la chaux et joliment fleuris ont oublié le temps qui passe.

Les Alouettes sont les petites reines de ces grands espaces voués à l’élevage extensif.

Cette parenthèse entre l’Europe et l’Afrique est aussi le royaume d’oiseaux très localisés comme l’énigmatique Pie bleu ou le rare et farouche Ganga unibande.

Cochevis de Tékla                             Alouette calandre

Pie bleue                                             Moineau espagnol

Pie grièche méridionale

 Busard cendré                                   Busard Saint-Martin

Hirondelle rousseline et Ganga unibande

Faucon crècerellette et Outarde canepetière

Impossible à approcher en milieu découvert, c’est depuis un improbable affût en bois vermoulu, que je réaliserai mes plus beaux clichés d’Outarde canepetière en avant première d’un spectacle grandiose.

Ce soir du premier avril un magnifique mâle s’est séparé d’un groupe pour venir répéter sa chorégraphie, à quelques mètres de l’affût.

Mon cœur a vacillé, le doigt tremblant sur le déclencheur, je venais enfin de réaliser mon rêve.

Défiant les lois de la pesanteur, l’outarde géante a repris son envol vers son destin…