Splendeurs natur’ailes n°9 : Les limicoles (2)
L’azur se mire dans la lagune que le mistral marbré de vagues concentriques.
L’écume ourle le rivage avant de se désagréger en flocons légers.
L’odeur saumâtre, familière, de la vase onctueuse envahit l’espace.
Quelques tamaris décharnés cherchent une place de choix sur les gros coussins de salicorne pour assister au spectacle des guerriers agiles aux corps fragiles.
Une flèche bleue turquoise passe, abandonnant une touche de couleur fugace à ce monde austère.
Le nez écrasé contre cette vitrine de cadeaux vivants, j’écarquille les yeux pour mieux voir toutes ces expressions de vies, étonnantes, déconcertantes parfois dans leur métamorphoses saisonnières.
Cette semaine, c’est un messager divin, un moineau immaculé, qui m’a suggéré de vous montrer de nouvelles créatures insolites qui investissent pour un temps notre Camargue secrète…
Je vous propose donc de continuer notre balade en compagnie d’autres limicoles, les plus grands, que l’évolution a si bien adapté à cet univers lunaire.
Les notions de beau ou de laid n’existent pas dans cette nature, elles n’existent que dans la nature de l’homme, (qui a même inventé l’expression d’«animal nuisible» pour maquiller ses turpitudes…).
Au milieu de quelques flamants, enfants du sel et de la vase, une Échasse évolue à pas mesurés.
Avec ses pattes interminables, on a l’impression qu’elle peut se casser à tout moment.
Sociable la plupart du temps, comme le sont en général les limicoles, elle peut se muer en une redoutable combattante quand vient le temps de la reproduction.
Ces combats épiques contrastent avec la douceur des gestes lors de l’accouplement.
L’Avocette, jolie ballerine noire et blanche, à l’improbable bec retroussé, n’est pas en reste, non plus, lorsqu’il s’agit de séduire une partenaire ou défendre sa progéniture.
L’accouplement lui même, très codifié, parait défier les lois de l’équilibre… surtout les jours ou souffle un mistral “à décorner les bioùs”.
Plus loin, au bord du marais, un Œdicnème aux grands yeux jaunes tente de protéger son poussin qui s’est un peu trop aventuré sur le territoire de l’Échasse.
Ce Limicole nocturne que l’on peut rencontrer aussi bien dans le désert caillouteux de la Crau qu’au bord de l’eau, n’en est pas, lui aussi, à un paradoxe près.
La Barge à queue noire ou encore le Courlis cendré, n’hésitent pas non plus à utiliser leur bec démesuré comme des duellistes qui ferrailleraient pour une affaire d’honneur.
Mais rassurez vous, dans ce monde, tout est dans la gestuelle et il est hors de question de se faire du mal…
Enfin, comme je vous l’avais promis, que dire du roi des transformistes, l’extravagant Combattant varié ?…
Il nous arrive chez nous en plumage d’éclipse après avoir abandonné sa, ou plutôt ses, panoplies de preux chevalier sur une arène de Laponie…
A bientôt (si vous le souhaitez toujours…)
Texte et Photos : Hervé Bertozzi
Le messager divin : en réalité, un Moineau domestique atteint d’un cas rarissime de leucisme. (Authentic’ rar’té ! comme dirait mon ami Philou…).
Échasse blanche : Après avoir honoré acrobatiquement la femelle le mâle la recouvre tendrement de son aile.
Avocette élégante : bec et cou au ras de l’eau, la femelle accepte le mâle. Quelques pas de danse, becs enlacés et les partenaires se séparent… Pendant que maman surveillera le poussin papa défendra l’espace aérien de toute intrusion.
L’Œdicnème criard : Pour paraître plus gros, l’œdicnème écarte les ailes pour faire face à l’agressivité de l’échasse. Son poussin l’imite, mais l’effet n’est pas le même…
Barge à queue noire : Une grande volée de barges (et de Combattants variés) vient se poser sur le marais. D’emblée, il faut penser à défendre son pré carré…
Courlis cendré : Madame “Le long bec”. Particularité : le mâle a le bec plus court…
Combattant varié : Eh oui ! il s’agit bien du même oiseau…